L’archipel des San Blas : après l’enfer, le paradis !

Medellin, Colombie, 04 mai 2018

Dimanche 15 avril, nous sommes au Panama dans le petit village de Puerto Lindo sur le quai de Linton bay marina. Nous arrimons les vélos sur le voilier Sovereign Grace et sommes prêts à embarquer en direction de la Colombie. Nous voilà arrivés à la fin de notre route en Amérique Centrale. Impossible de continuer par la terre vers l’Amérique du Sud. En effet, bien que le Panama soit frontalier de la Colombie, la zone de jungle qui les relie n’est parcourue par aucune route. Et surtout la région de Darien est le lieu d’un vaste trafic de drogues, de guérillas et milices locales qui échappent plus ou moins complétement à l’autorité des 2 pays. Bref, pour rallier la Colombie depuis le Panama, c’est par les airs ou par la mer !

N’ayant pas plus d’appétit pour le trafic aérien que pour le trafic de drogue, nous avons assez rapidement opté pour une traversée en voilier de la mer des Caraïbes. Il faut dire que le trajet passe à travers la multitude des petites îles de l’archipel des San Blas et que les photos et récits que nous avons eus à leur sujet étaient assez enthousiasmants.

Nous voilà donc partis pour 5 jours sur un grand voilier avec une vingtaine d’autres jeunes backpackers et un équipage de 4 personnes. C’est la première fois que James, le capitaine californien, embarque une famille. A la fin du périple il avouera qu’il était un peu inquiet quant à la facilité de cohabitation entre une « gentille petite famille française » et une « horde de jeunes » ayant bien pris soin chacun d’emporter autant de bières et rhum que possible pour faire la fête pendant 5 jours. Mais tout le monde a su s’adapter et le fait que nous ayons bénéficié d’une grande cabine rien que pour nous a grandement facilité les choses. Les jeunes voyageurs venaient du Canada, d’Allemagne, de Suisse, d’Australie, d’Angleterre, d’Irlande, des USA et du Guatemala. Avec les trois autres membres de l’équipage: Luke de Long Island, Wilson le Néo-Zélandais et Rodrigo, l’Argentin, il y avait un sacré mix de nationalités. Et pourtant, ils avaient tous plus ou moins le même profil. Le voyage en mode Backpacker/Lonely Planet a une furieuse tendance à lisser les différences. Sur le bateau nous retrouvons aussi Freech, le cyclo allemand que nous avions croisé à Panama. Il s’est décidé au dernier moment pour la voie maritime et se retrouve avec nous. Bien content de pouvoir échanger un peu avec nous car, lui comme nous, ressentons clairement un décalage entre nos attentes de cette croisière et celles de l’échantillon de jeunesse occidentale présent à bord. Les bières s’enchaineront les unes après les autres ou après les verres de rhum.  Certains réveils seront visiblement douloureux pour quelques jeunes apprentis marins. Des tentatives de rapprochement inter cul-turelles seront plus ou moins couronnées de succès. Mais l’ambiance sera toujours très respectueuse les uns des autres et nous bénéficierons d’une attention bienveillante du plus grand nombre. Notre mode de voyage et notre dernière petite histoire d’attaque à mains armées nous faisant clairement passer dans la catégorie d’aventuriers aguerris.

Dès le départ de la marina, la mer annonce la couleur. La houle de trois-quarts met presque tout le monde sur un même pied (pas marin) d’égalité. Les plus solides réussiront à passer l’épreuve sans rien évacuer par dessus bord. Les autres, dont certains d’entre nous, auront l’immense honneur d’apporter un peu de nouveauté dans la chaîne alimentaire marine. L’arrivée au mouillage dans les eaux ultra calmes des premières îles des San Blas est une bénédiction pour tout le monde. Il fait nuit, nous nous endormons bien vite, sous un magnifique ciel étoilé et bercés par une houle toute douce.

Au réveil, nous découvrons des petits ilots couverts de cocotiers couvrant quelques habitations. Quelques Kunas (l’ethnie qui peuple les San Blas) naviguent en pirogue et en tenue traditionnelle pour les femmes.

Le capitaine part effectuer les formalités de sortie du Panama sur une des îles. Il revient quelques temps après pour me dire que le chef du poste frontière veut voir toute la famille et souhaite les actes de naissances des enfants… Encore un qui fait preuve d’un zèle excessif ! Par chance (et prévoyance) nous avons les copies des certificats dans l’ordinateur. Nous visiterons donc une île de plus que prévue pour saluer l’officier, lui montrer nos jolies frimousses, décoder pour lui les certificats sur l’écran de l’ordinateur et le voir complètement rassuré quand il entendra Albane nous appeler Papa et Mama ! Il justifiera son exigence par le fait qu’il y a, semble-t-il, beaucoup de traite humaine et de trafic d’enfants dans le coin. Il paraît que les organes se vendent chair chers par ici!

Les deux jours suivants se passeront à naviguer agréablement d’îles paradisiaques en îlots paradisiaques, à faire du snorkeling sur les petits récifs qui entourent presque chaque île et à faire des concours de plongeon depuis le pont du bateau. La mer est tellement chaude et le soleil si brûlant que nous passons des heures dans l’eau. Nous aurons aussi l’occasion de discuter avec 2 ou 3 familles kunas pour mieux comprendre leur mode de vie. Nous percevons que Les Kunas vivent essentiellement de la pêche, de la récolte de cocos, du tourisme et aussi évidemment des revenus de ceux qui sont allés travailler sur le continent. La famille que nous avons rencontrée troque régulièrement cocos et produits de la mer contre du riz et du sucre apporté par des bateaux colombiens. Ils vivent quelques mois par an sur ces petites îles à plusieurs familles. Les enfants allant à l’école en pirogue pour y apprendre l’espagnol. Bien que les îles soient toutes petites, parfois moins de 40 m de large, les Kunas creusent des puits où ils trouvent de l’eau douce pour se laver et nettoyer le linge. L’eau potable est apportée en bidon depuis le continent.

Géraldine profite d’une soirée déguisée pour suggérer de me grimer en bandit de grand chemin, histoire d’exorciser notre mauvaise aventure et de réussir à rire de nos souvenirs encore assez douloureux. Excellente idée ! Une cagoule, une casquette, un short baggy et un grand couteau plus tard et nous pouvons rejouer la scène autant de fois que nécessaire.

Sur ces deux jours, les enfants nous auront épatés par leur appropriation de la mer. Nous aurons plusieurs fois nagé sur quelques centaines de mètres entre le mouillage du voilier et les plages des îles sans aucune appréhension, ni difficultés physiques de leur part. Joseph semble même avoir plutôt bien le pied marin.

Après trois jours au paradis, nous levons l’ancre en soirée et mettons cap sur Carthagène. La mer n’est pas particulièrement méchante mais la houle est bien présente. Les organismes sont déjà un peu adaptés néanmoins il faut rester vigilant pour ne pas être trop vaseux. Chacun a sa position et place favorite sur le bateau pour garder la tête fraiche et passer le temps.

Un jour et encore une nuit de navigation plus tard et nous arrivons au petit matin dans le port de Carthagène. La vue de la terre ferme est accueillie avec bonheur (et soulagement) par beaucoup. Le voilier mouille dans la baie. Nous transbordons nos vélos sur une lancha et nous revoilà sur la terre ferme et les selles de nos vélos.

Colombie nous voilà !

Les Cham à vélo