La côte californienne ou les 4 éléments

Altadena, Californie, 30 décembre 2017

L’eau

Nous laissons la Silicon Valley (voir les articles ici et ici) et retrouvons l’eau salée du Pacifique à Santa Cruz pour suivre la fameuse Pacific Highway 1 qui devrait nous mener jusqu’à Los Angeles. A Santa Cruz, en plus d’un superbe accueil chez Jonathan et sa famille, nous découvrons la côte Californienne telle que nous l’imaginions: jolies maisons en bois, colorées, avec vue sur mer, vieux combi VW avec planches de surfs sur le toit et surfeurs chassant LA vague. Ici, ce sont les vacances toute l’année! Une vraie carte postale.

Nous quittons assez vite ce cadre idyllique pour traverser une immense zone agricole, une sorte d’usine à cracher de la fraise à perte de vue, de chaque côté de la route la terre est butée, empaquetée comme un paquet cadeau par des kilomètres de plastique noir ou blanc. Au milieu des champs, des centaines de mexicains travaillent, parfois au son des musiques folkloriques. Et bien évidemment les cultures sont copieusement irriguées. Quelle consommation d’eau ! Pas un seul petit espace n’est laissé à l’abandon, pas un buisson, pas un arbre, ce qui signifie pour nous : pas de place pour planter la tente! Strawberry fields forever! Pas pour nous… Nous finirons par trouver un terrain vague le long de l’autoroute à côté d’une maison entièrement grillagée. Nous sommes loin de l’image marketée de la côte Californienne !

Notre route longe ensuite la baie de Monterey, puis des petites criques sauvages d’où nous apercevons des lions de mer, des phoques, des pélicans et pleins d’autres oiseaux marins. Nous voyons aussi d’immenses villas parfois superbes, parfois archi grotesques et des voitures de luxe à la pelle ! C’est à cet endroit-là que nous traversons la fameuse zone privatisée de Pebble Beach (voir article « Chance ou malchance qui sait ? »).

A Carmel-by-the-Sea, nous quittons cette zone urbanisée pour remonter sur les falaises qui surplombent l’océan. C’est le début de Big Sur, une zone plus isolée traversée par une seule route escarpée coincée entre les petites montagnes et l’océan. C’est un territoire réputé pour ses paysages. De fait, c’est grandiose. En fin de journée, nous recherchons un lieu pour planter notre tente, mais la route est bordée de clôtures et les espaces sont rares. Nous toquons donc au 1er portail venu. Via l’interphone nous tentons de nous faire comprendre. L’interphone est une vraie difficulté supplémentaire pour nous, car les habitants de la maison ne peuvent pas voir nos 3 jolies têtes blondes. Il nous faut redoubler de finesse pour réussir à décrocher un accueil. Finalement, un grand monsieur dans un superbe costard cravate et dans ses 90 piges joyeuses, vient à notre rencontre. Après quelques plaisanteries, Don (c’est son nom), nous permet de planter nos tentes sur une hauteur surplombant sa maison. Il nous propose aussi de venir prendre le petit dej avec eux demain matin, car ce soir, il part danser avec sa femme !

La terre

Notre route continue le long de Big Sur avec des points de vue époustouflants. Nous nous rapprochons d’un immense glissement de terrain qui coupe la route depuis plus d’un an. Dans cette zone sismique et particulièrement ici à Big Sur où les éboulements sont permanents, les gens sont habitués aux caprices de la Terre, mais le glissement de « Mud Creek » est exceptionnel, ils l’ont appelé  » The big one ».  Les travaux sont en cours et vont durer encore pendant un an. L’avantage c’est que la circulation est moindre, l’inconvénient c’est que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir passer la difficulté en restant sur la côte, car la route est officiellement coupée. Les alternatives sont rares dans cette zone montagneuses. Certains cyclos disent avoir traversé à vélo ces 2km de travaux en passant discrètement après le départ des travailleurs, à la nuit tombée. De quoi pimenter notre route et amuser les enfants! Oui, mais voilà, au fur et à mesure de notre avancée nous apprenons que la sécurité a été renforcée depuis 2 mois : des gardes de chaque côté, des projecteurs et une belle amende à la clé pour qui sera pris. Un cyclo venant en contresens nous indique avoir essayé à 2 reprises de trouver un passage, sans succès… Alors tant pis, après de longues hésitations, nous finissons par prendre une sage décision : contourner la coulée de boue par l’unique petite route de Nacimiento Fergusson, celle qui grimpe furieusement dans la montagne! Ah ! la Terre n’est pas plate… Le dénivelé, nous le savons, est quasi digne du col du Tourmalet. Aussi, tout en montant les lacets, nous espérons qu’un grand truck pourra nous monter au sommet. 30 min après, c’est chose faite! Tant mieux, car la zone est vide de tout commerce et nos réserves alimentaires touchent à leur fin. Nous avons quitté l’océan. Dans les 50 km qui suivront nous traverserons la forêt, puis les plaines sèches et enfin une grande base militaire (c’est moins bucolique, mais c’est intéressant à voir).

Le feu

Il n’y a pas grand monde dans ces plaines pour demander de l’eau ou s’installer pour la nuit, mais il y a une belle station de pompiers! Notre toute 1ère nuit chez les soldats du feu. Au matin, ces derniers semblent bien occupés. L’incendie « Thomas » – qui deviendra le plus grand feu subi par la Californie – vient de démarrer et ils doivent apporter du matériel en renfort. Nous sommes le 5 décembre.

Paso Robles et un superbe accueil Warmshowers de plus seront notre dernière étape de ce détour de 180 km avant de pouvoir revenir sur la Highway 1 au sud du glissement de terrain.  L’océan contraste avec les montagnes asséchées par 250 jours sans pluie. Cette météo plait bien aux cyclistes, moins à la végétation locale.

Nous arrivons à Morro Bay, magnifique station balnéaire, paradis des surfeurs et des oiseaux migrateurs. Grâce à Anouck et Marie-Christine nous pourrons rester quelques jours dans leur chouette maison en attendant et en espérant que le « Thomas fire » soit rapidement maitrisé. Un grand merci à elles! Nous passons ces quelques jours de repos à la plage ou à observer les animaux. Inès vous en dit un peu plus dans le prochain article.

L’air

Le 12 décembre, le feu s’est un peu éloigné de la côte où passe notre route pour Los Angeles. Les vents annoncés devraient continuer à éloigner le feu et le gros des fumées, l’air devrait être respirable. Nous décidons donc de quitter Morro Bay en direction de Santa Barbara. Le soir, les propriétaires d’un petit ranch nous laisseront bivouaquer chez eux, à la condition expresse de bien surveiller notre réchaud… Le lendemain nous longeons la côte et constatons que la fumée masque une partie des montagnes, comme un épais brouillard dans l’air. En approchant de Santa Barbara, le ciel est de plus en plus sombre, l’odeur de brûlé de plus en plus présente, de la cendre tombe du ciel. Nous avons l’impression d’arriver après un cataclysme. Les écoles sont fermées et dans la rue, tout le monde porte un masque, y compris à l’intérieur des voitures. Nous allons nous en procurer à la mairie, qui en distribue gratuitement. Avec cette fumée, nous ne verrons rien de Santa Barbara, mais nous passerons une excellente soirée à discuter et à jouer avec Marianne, Lewis, Irène et leur neveu.

Le lendemain, Lewis et Mariane sont formels, nous ne repartirons pas à vélo. La qualité de l’air est beaucoup trop mauvaise. Nous sommes gênés par tant de bienveillance à notre égard, surtout qu’ils se sont déjà organisés pour trouver le véhicule adéquat pour transporter nos vélos. Nous traversons alors des paysages sinistrés, cramés par le feu le long de l’autoroute. C’est très impressionnant. À Ventura nous reprenons nos vélos et retrouvons les grandes plages de sables en direction de Los Angeles!

A Malibu, pas de Warmshowers, ni de camping, il ne reste plus qu’une solution : envoyer un tweet à Léonardo et patienter tranquillement sur la plage de Zuma beach qu’il nous réponde.

Et devinez quoi? … Non pas de nouvelles de Léonardo.  Mais notre star du jour, elle s’appelle Loreleï. Elle se promenait avec une amie, quand elles nous ont vus et elles sont venues à notre rencontre. Quelques minutes plus tard, Loreleï nous proposait de venir dormir chez elle sur la magnifique Point Dume! Nous avons passé une super soirée en sa compagnie. Une rencontre inattendue avec une belle personne. Nous en avons profité pour trinquer à nos 5 mois de voyage et 5000 km tout pile !

Le lendemain matin, nous sommes réveillés par un vent particulièrement violent. Sur la route, nous ne faisons pas les malins et tentons tant bien que mal de rouler en ligne droite. Mais le vent arrive par rafale et se répercute sur les falaises que nous longeons. A un moment il est tellement fort, que tous les deux, nous nous retrouvons dans le muret qui borde la route. A midi, nous arrivons à Santa Monica, le vent se calme. Devant la fameuse jetée, il y a une très belle aire de jeu pour toute la famille, les enfants s’en donnent à cœur joie. Le soir nous retrouvons Claire et sa famille plus au sud après avoir suivi une magnifique piste cyclable le long des plages de LA. Il y a 17 ans, quand Antoine avait fait son premier grand voyage à vélo avec son ami Olivier, les parents de Claire les avaient accueillis à Buenos Aire. C’est tellement sympa de se revoir pour un nouvel accueil ici à Los Angeles !

Nous passons maintenant plusieurs jours tranquilles à Los Angeles pour nous reposer, visiter, nous amuser et préparer notre départ vers le Mexique ! Par la magie des contacts « Internet » entre voyageurs  nous sommes accueillis chez Alice et Randii pour fêter Noël ensemble. Ils ne nous connaissent pas du tout mais ont accepté de nous inviter chez eux où nous allons passer 8 jours. Cerise sur la gâteau, ils travaillent tous les deux à la NASA et nous aurons donc la chance d’aller y jeter un oeil ! Sacré cadeau de Noël !

Notre épisode aux USA se termine demain… Bonne fête à tous et à l’année prochaine sur le sol mexicain !