Nos aventures ferroviaires en Russie

de Helsinki, 24 juin 2016

1 mois.

C’était la durée de notre visa russe.

Durée chèrement acquise : 100 dollars par personne. Soit le prix du visa (dont nous ne saurons jamais exactement la valeur) et le coût de l’intermédiaire obligatoire qui fait les démarches (fastidieuses) pour vous.

1 mois pour traverser la Russie

1 mois pour traverser la Russie

Nous avions donc 30 jours pour faire le parcours de Michel Strogoff à l’envers: Traverser la Russie de la Sibérie à Saint-Pétersbourg.

Nos petits mollets ne suffisant pas pour avaler les milliers de kilomètres, nous avons donc eu la chance de voyager dans le fameux transsibérien entre Irkoutsk et Moscou puis entre Moscou et Saint Pétersbourg.

Parcours du Transsibérien

Parcours du Transsibérien

L’aventure commence avec l’achat des billets de train à la gare d’Irkoutsk. Les joies de l’alphabet cyrillique et la totale méconnaissance de l’anglais par le personnel de la gare rendent cette étape particulièrement complexe:

  1. Trouver le bon guichet.
  2. Faire la queue ½ heure.
  3. Motiver la préposée de service qui t’explique qu’elle ne comprend pas l’anglais et qu’elle ne souhaite, ni faire de progrès en la matière, ni chercher à comprendre ce que tu baragouines en pseudo-russe.
  4. Une fois la préposée en (à peu près) bonne disposition, lui indiquer tes souhaits de trajet, découvrir qu’il n’y a plus beaucoup de places (nous n’aimons pas nous y prendre à l’avance…)
  5. Donner son accord pour les billets qu’on nous propose en ayant à priori compris que nous serions tous dans le même train et en croisant les doigts pour que nous soyons aussi dans le même wagon (le trajet dure 4 jours quand même…)
  6. Attendre 35 minutes pour l’édition des 5 malheureux billets par la préposée qui semble recopier consciencieusement tout le contenu de chacun de nos passeports en nous demandant tous les 3 mots si les lettres qu’elle frappe sur son clavier sont bien les bonnes (et oui écrire en latin avec un clavier cyrillique c’est sympathique)!
  7. Indiquer que l’on va payer avec sa carte Visa puisque il y a là, sous nos yeux, un magnifique terminal à carte avec les logos VISA, Mastercard, etc.
  8. Comprendre que le terminal ne fonctionne pas et demander où se trouve un beau DAB pour chercher du liquide.
  9. Courir jusqu’au DAB.
  10. En même temps que la composition de son code, faire une petite prière pour que l’appareil fonctionne.
  11. Constater l’efficacité de la prière et récupérer les roubles en papier.
  12. Revenir victorieusement et payer les billets.
  13. Après la réception des billets, souffler un coup parce que oui, nous sommes bien tous dans le même wagon. Même si c’est avec des numéros de couchettes qui varient du numéro 2 au numéro 48 !
  14. Après avoir soufflé, prendre son plus beau sourire et dire le mieux possible un des rares mots de russe que l’on maitrise « Véloziped » en affichant 4 jolis doigts devant la vitre.
  15. Comprendre que pour ce type de bagage, il faut s’adresser à un autre guichet et recommencer toutes les étapes 1 à 6

Ça y est nous avons nos fameux sésames ferroviaires dans les mains. Il ne nous reste qu’à attendre sagement le départ de notre train le lendemain à …minuit !

Le jour J, 3 heures avant le départ de la locomotive :

  1. Chevaucher les vélos à travers les festivités actuellement en cours à Irkoutsk
  2. Saluer la foule comme un prince en passant sous les ponts juste avant le lancement du feu d’artifice

    La foule massée pour notre passage !

    La foule massée pour notre passage !

  3. Arriver à la gare en sachant que ça va être une galère pour réussir à atteindre le quai et encore une autre pour réussir à faire rentrer tout notre barda dans le compartiment
  4. Commencer par se faire engueuler par l’agent de sécurité parce que le tandem est trop large pour le portique de détection.
  5. Constater qu’Albane dort profondément dessus
  6. Sourire (toujours sourire, ça ne mange pas de pain et ça simplifie beaucoup de choses…)
  7. Déplacer le poste de travail de l’agent et passer à côté du portique avec les vélos

    L'agent vérifie que sa table est bien à sa place...

    L’agent vérifie que sa table est bien à sa place…

  8. Rencontrer Masha, Sacha et leur petit Grisha, un couple de russes maitrisant l’anglais et voyageant avec des vélos pliants (trop facile ça).
  9. Avoir la joie de se dire que voilà des traducteurs qui vont bien faciliter notre installation dans le train.
  10. A l’affichage du numéro du quai, descendre et remonter les habituelles marches pour passer sous les voies.
  11. Une fois sur le quai, accepter que Géraldine serve de lit à Albane pendant que Joseph, Inès et Antoine démontent en un temps record les sacoches et les vélos.
  12. En traduction simultanée, rassurer la « provodnitsa » (responsable de voiture) sur notre capacité à démonter nos vélos de façon suffisante pour les coincer correctement dans les racks à bagages.
  13. Refaire la même opération avec les autres usagers du train qui s’inquiètent de voir tout ce métal au-dessus de leur tête.
  14. Apprécier l’aide essentielle de Sacha pour emballer, transporter et installer nos vélos correctement.

    Les vélos ont finis par trouver leurs places

    Les vélos ont finis par trouver leurs places

  15. S’assurer que rien ne reste sur le quai.
  16. Terminer l’opération juste avant le départ du train.
  17. S’asseoir, souffler et découvrir que l’on ruisselle de transpiration.
  18. Boire un litre d’eau.
  19. Bénir le ciel de nous avoir offert la rencontre avec Masha, Sacha et leur petit Grisha.

C’est parti pour 4 jours de huis clos à travers la Russie avec une cinquantaine d’autres passagers.

Au programme : discuter, manger, lire, dormir, jouer, apprendre, regarder le paysage et recommencer autant de fois que désiré.

La promiscuité des lieux facilite beaucoup les rencontres et les échanges. Le partage des tables, des deux prises électriques du wagon, l’utilisation des lits du bas pour s’asseoir, les sanitaires (propres du début à la fin du voyage grâce à l’efficacité des deux provodnistas), le remplissage des tasses d’eau chaude au samovar. Tout est source de contacts et d’échanges. L’ambiance est sympathique et les gens bienveillants les uns avec les autres.

Nous aurons entre autre l’occasion de discuter/jouer/manger/boire avec:

Nadia, une institutrice d’Irkoutsk qui va voir son père à Kiev et qui se fera un plaisir de faire faire des divisions à Joseph.

Joseph et son institutrice du moment

Joseph et son institutrice du moment

Timour, un jeune homme de 16 ans qui maitrise très bien l’anglais, à une haute estime de Marine Le Pen (un peu moins à la fin du trajet je l’espère…), se demande encore pourquoi Depardieu est venu en Russie (selon lui, il a sûrement été payé par Poutine) et trouve que le Uno est un jeu amusant.

Photo souvenir avec Timour (et Grisha qui s'est invité sur la photo)

Photo souvenir avec Timour (et Grisha qui s’est invité sur la photo)

Hélène et son fils Hilia ainsi que Sveta et son fils Denis avec qui les enfants découvriront les jeux de cartes russes et en échange leur apprendront les joies du Uno.

Partie de cartes

Partie de cartes

Sacha et Masha qui s’interrogent sur l’école à la maison, nous expliquent les méthodes pédagogiques en Russie, nous font une démonstration efficace de l’apprentissage de l’anglais avec support vidéo, que Sacha est en train de mettre en place (Joseph et Inès ont adoré), nous parlent du retour en force des religions dans la vie russe et nous montrent une vidéo sur leurs bains dans les lacs gelés.

Avec Masha et Sacha

Avec Masha et Sacha

Avec eux nous aurons aussi l’occasion de siffler quelques bières en comparant la qualité gustative des poissons séchés de la région de Novossibisrk (achetés lors d’un arrêt du train) avec le fameux omoul du Baïkal. Nos voisins de compartiment n’auront même pas un mot désagréable sur l’odeur infernal, que nous leur avons imposée pendant toute la dégustation. L’un d’entre eux viendra même nous offrir la moitié d’un gros gâteau pour finir en beauté notre repas. La provodnista, quant à elle, nous rappellera qu’il est interdit de boire de l’alcool dans le train, mais que si les bouteilles restent sous la table ça ira bien…Il est aussi interdit de fumer, mais si les fumeurs assouvissent leur besoin entre les wagons ça va. Et puis il ne faut pas mettre de multiprises sur celle du train, mais notre prise multi USB (6 appareils à la fois) sera admise pour le plus grand bonheur de tout le wagon…Comme me le résumera très bien Sacha : « En Russie tout est interdit, mais tout est permis, il faut juste savoir s’y prendre ! »

Quelques nouvelles russes de Dostoïevski, Gogol, Pouchkine et Tchekhov, ainsi que l’inévitable relecture de Michel Strogoff, et nous voilà arrivés à Moscou à 4 heures du matin dans la joie et la bonne humeur !

Arrivée à Moscou, photo souvenir avec Sacha et une des deux Prodovista

Arrivée à Moscou, photo souvenir avec Sacha et une des deux provodnista

Il est 5 h, Moscou s’éveille...

Il est 5 h, Moscou s’éveille…